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JACQUES MARITAIN, PHILOSOPHER OF THE PERSON

18 mar 2010

International Conference Rome, Thursday 18 March 2010

LE PROBLÈME DE LA LIBERTÉ ET DE LA DÉMOCRATIE

Maria Luiza Marcilio – Presidente do Instituto Jacques Maritain

 

La triade républicaine de la Révolution française de 1789 Liberté, Egalité, Fraternité est un élément de référence historique de grande importance. Là sont proclamées les trois idées fondamentales de la dignité humaine : la liberté inhérente à l´homme pour qu´il puisse choisir sa voie ; l´égalité  entre les hommes;  la fraternité qui doit régler la relation entre les êtres humains.

Toutes ces valeurs sont profondément chrétiennes, enracinées dans la culture occidentale. Ces trois catégories sont en même temps religieuses et morales et occupent une place de choix dans la théorie et la pratique politique.

Avant la Révolution française, la Constitution Américaine, celle qui fut écrite en Virginie en 1776 et celle de 1787, instituait la démocratie  représentative : « tout pouvoir repose sur le peuple , et  par conséquent  découle de lui »   fondant ainsi Etat de droit, ou le Jusnaturalisme, pour lequel existent  des lois imposées par la volonté humaine et desquelles dérivent  droits et devoirs naturels. La doctrine des devoirs naturels, empiriquement, est aussi la base de la Déclaration des Droits de l´Homme de la France révolutionnaire.

La Révolution française, malgré ses fondements n´a pas été faite par des  chrétiens,  bien au contraire, elle a été faite contre eux. Jacques Maritain définit bien cette contradiction : “Sous l´inspiration évangélique en travail dans l´histoire, la conscience profane a compris la dignité du peuple et de l´homme… Et c´est sous l´action du ferment évangelique en travail dans le monde que les idées et les aspirations qui  caractérisent l´etat d´esprit démocratique et la philosophie démocratique, se sont formées dans la conscience profane. Par l´effet de la plus absurde des contradictions historiques, elles ont été, au cours du XIXé siècle, en Europe surtout, engagées dans une soi-disant philosophie de l´émancipation de la pensée qui les vidait de toute substance, les niait et le désagrégeait… La poussée évangelique qui faisait ainsi irruption portait la marque d´un christianisme laïcisé;   la philosophie rationaliste y melait des illusions qui devinrent vite sanglantes…”[1]

La trilogie de 1789 a acquis une dimension politique et son interaction  est  devenu la caractéristique des démocraties actuelles. Le processus historique de cette conquête est bien loin de sa pleine réalisation.   Néanmoins, la tragédie des  démocraties qui se sont installées de par le monde montre qu´elles n´ont pas réussi à réaliser cet idéal historique de démocratie exprimés dans les trois  fondements de 1789.

En fait la société a connu l´ivresse de la raison, aussi bien dans son idéologie moderne que post-moderne,  laquelle  court le risque de succomber au  nihilisme, soit, à l´absence de sens de la vie. La gnose d´aujourd´hui est basée  sur la conviction fondamentale de l´absolutisme du sujet et de sa capacité de connaître et de produire la vérité.

Revenons à l´Histoire. Le processus historique de démocratisation des nations occidentales s´est accéléré particuliérement après les années 1870.

Après la révolution de 1871, en France, il est devenu de plus en plus clair que démocratisation de la politique des états était totalement inévitable.  Les masses, qui avaient été augmentés  par des secteurs sociaux qui jusqu´alors  étaient hors du système politique,  marcheraient  vers la scène politique  avec ou sans la volonté des gouvernants. L´urbanisation, l´industrialisation,  les progrès de l´éducation de base et de l´éducation supérieure des pays développés favorisèrent une amélioration des  indicateurs sociaux de la population , créant des forces politiques élargies et rénovées.

Les systèmes électoraux se basèrent de plus en plus sur un large droit au vote.     En certains cas, le suffrage universel pour les hommes avait même été acquis en 1870 comme en France et en Allemagne, (pour le Parlement allemand), la Suisse et le Danemark.  En Angleterre, les lois de la Réforme de 1867 et 1883 doublèrent quasiment le nombre d´électeurs qui s´éleva de 8 à 29 %  pour les hommes de plus de 20 ans. La Belgique démocratisa ces droits en 1894  après une grève générale réalisée en vue de cette réforme   ( l´augmentation passa de 4% pour 37% pour la population adulte); La Norvège doubla ces chiffres en 1898 ( passant de 16% à 43%). En Finlande, une démocratie extensive unique (76% d´adultes de sexe masculin) surgit à la révolution de 1905. En Suède, l´électorat doubla en 1908, arrivant au niveau de celui de la  Norvège. La moitié  de l´empire autrichien des Habsbourg  adopta le suffrage universel masculin en 1905, et l´Italie en 1913. En dehors de l´Europe, les Etats-Unis, l´Australie et la Nouvelle Zélande étaient déjà démocratisés et l´Argentine suivit leur exemple en 1912 [2]. Au Brésil la Constitution de 1891 qui instituait le régime républicain, établit le vote masculin pour les majeurs de 21 ans, excepté les mendiants, les analphabètes, les soldats, les religieux, et évidemment les femmes! démocratie d´autant très limitée.

Ne pouvant contenir l´avancée de la démocratie, les Etats occidentaux dès le début du XXème siècle commencèrent à manipuler  la politique des masses    dans l´organisation de mouvements et créant une média de masses .

Les politiciens  commencèrent de plus en plus à attirer l´attention sur un électorat populaire. Les conditions devinrent favorables à la création de nouveaux partis, populaires, formés  de gens  simples et de gauche. A côté de ces nouveaux groupes sociaux qui se mobilisaient  comme groupes de  pression économique, surgissaient aussi des groupes de citoyens unis par fidélité sectoriale, comme ceux de la religion ou de la nationalité. Mais l´Eglise Catholique a résisté autant qu´elle a pu à la formation de partis catholiques, bien qu´elle ait presque toujours assumé sa position aux côtés des classes     privilégiées  à l´intérieur d´une politique conservatrice.

Les nouveaux  mouvements de masses étaient déjà à la fin du XIXème siècle, et pour la première fois, des mouvements idéologiques.  L ´étendard de la République et de la Révolution fut souvent agité par les partis populaires de gauche, du Socialisme et de l´Anarchisme entre autres.                       

Pourtant la démocratie là où elle a réussi, n´a pas substitué le clientélisme  et les minorités  activistes des classes dominantes.  Amener les mouvements ouvriers et les classes défavorisées  vers le jeu  de la politique  n´a pas été   chose  facile et ceci jusqu´au début du XXème siècle.

Des facteurs positifs se développant dans les pays occidentaux avancés dès la fin du XIXème siècle, ont favorisé la diffusion et l´avancée de la République libérale ( une conception déterminée de l´Etat, avec des pouvoirs et des fonctions limités) ainsi que celle de la Démocratie (une manière de gouverner, où le pouvoir n´est pas entre les mains d´un seul ou d´un cetain nombre, mais de tous, s´opposant aux  formes autocratiques comme dans la monarchie absolue et l´oligarchie). Cette avancée historique nous permet d´observer la conquête de certains facteurs positifs. Mentionnons-en quelques-uns :

– L´alphabétisation était en franche expansion en Europe et de là, vers le reste du monde. D´après nos recherches sur l´histoire de l´alphabétisation, l´éducation populaire est devenue peu à peu une institution mondiale. Pratiquement toutes les sociétés nationales ont mis leur majeure aspiration au service de l´éducation de base. L´éducation des masses s´est répandue dans les pays pionniers de l´Europe et aux Etats-Unis, à partir de la décennie de 1870.  Une fois installée dans ces deux regions, l´éducation des masses s´est diffusée à travers le  monde et à des taux accéléres après la seconde Guerre Mondiale. A partir des années 1950, l´expansion de l´éducation a pu compter avec l´appui effectif de l´Organisation des  Nations Unies (et de ses agences) quand elle-même a assumé son rôle d´orientation et d´articulation. L´éducation pour tous s´est alors répandue autour du monde  en prenant pour modèle le système occidental avec ses   principes associés  de citoyenneté et d´autorité de l´Etat. Le droit à l´éducation  élémentaire , gratuite, laïque et universelle est inscrite dans la déclaration des Droits de l´Homme de l´ONU, proclamée en 1948.

– Un autre facteur  positif qui s´est développé à partir de la fin du XIXème siècle  a été la révolution des médias qui s´est transformée en moyen de  communication de masses. Au XXème siècle la diffusion populaire de la radio , de la télévision et plus       récemment de l´internet sont devenus des moyens d´aide à l´implantation et à l´universalisation du système démocratique.

– Il ne faut pas oublier de mentionner l´important et favorable facteur qu´a été l´émancipation de la femme dans  l´implantation de la liberté politique et de la démocratie .Celle-ci a débuté à la fin du XIXème siècle en Europe,   étant    initialement et quasiment réservée aux classes moyennes. Les  pionnières étaient issues du milieu bourgeois. A partir de 1870, les femmes du monde développé ont eu moins d´enfants. Ce fut la phase dite de « transition démographique ». Les taux de natalité  et de mortalité en Occident ont été mieux contrôlés, déterminant ainsi le déclin du taux de croissance démographique, au long du XXème siècle.  Ce processus attentait à la vie et aux sentiments, principalement des femmes. Un des  facteurs du déclin de la mortalité  a été la chute accentuée de la mort d´enfants de moins de 1 an. Ce changement a déterminé des comportements et des sentiments nouveaux  chez   les femmes incluant aussi  un contrôle sur la dimension de la famille.

Mais ce n´est pas tout.  Les  femmes occidentales de la fin du XIXème siècle  inscrivaient le droit au vote comme la principale lutte et de grande visibilité, dans les questions politiques  du féminisme.  Avant 1914, ce droit n´existait pratiquement pas  sauf en Australie et  Nouvelle Zélande, en  Norvège et en Finlande ; dans quelques régions  des Etats-Unis, et en extension limitée  en d´autres contrées. [3]

Les changements économiques, sociaux et technologiques augmentèrent  la perspective de travail pour les femmes ( emploi en magasins ou en bureaux et avec le développement de l´enseignement primaire, l´éducation est devenue une  profession presque exclusivement féminine.) Tout comme la démocratisation de la politique, un palier plus élevé de droits et d´opportunités égaux pour les femmes étaient  implicites dans l´idéologie de la bourgeoisie libérale.

– Les progrès de la science et de la technologie furent si grands que l´homme a pu croire un moment qu´il pouvait tout seul découvrir les mystères de la nature. Dès la période des Lumières, on a cru au triomphe de la Raison, on a cru fermement à un progrès indéfini, idéologie largement diffusée au cours des premières décennies du XXème siècle.

Cependant les désillusions apparurent. Le génie scientifique d´un Albert Einstein synthétise cet abattement :  « Nous, les scientifiques … à travers une dure expérience, nous avons appris que la pensée rationnelle n´est pas suffisante pour résoudre les problèmes de notre vie sociale. L´intellect possède un oeil perçant pour  les méthodes et les outils mais il est aveugle quand il s´agit de la finalité et des valeurs… La science peut seulement déterminer ce  qui est,  et non pas ce qui doit être. Ceci est du ressort de l´éthique et de la religion. »  [4]

Il ne faut pas oublier ici qu´au début du XXème siècle, le monde  était divisé en une petite partie où le progrès naissait (les pays impérialistes) et l´autre grande partie, où les pays occidentaux arrivèrent en conquistadors étrangers aidés par une minorité de collaborateurs locaux (le vaste monde colonial). Avant la Première Grande Guerre, presque un quart de la superficie continentale du globe fut redistribuée comme colonies entre une demi-douzaine de pays.

Ce fut cet impérialisme qui garantit, en particulier par le travail missionnaire, l´occidentalisation du monde non européen. Mais ce fut aussi cet impérialisme qui a été une entrave à l´expansion des droits de liberté, d´égalité et de fraternité dans l´évolution du processus démocratique. Il a empêché la  conquête du suffrage universel, a rendu difficile la formation de partis politiques, a crée des barrières pour la mise en place de Constitutions, a imposé  des comportements d´intolérance raciale, sexuelle et même religieuse.

En plus, l´impossibilité ou le refus de la majorité des habitants du monde de vivre à l´exemple donné par les bourgeoisies occidentales étaient plus notoires que les efforts pour essayer de les imiter.

L´humanité a été divisée selon la “race”, idée qui a pénétré dans l´idéologie de l´époque  presque aussi profondément que celle du  « progrès ». Même dans les pays développés, l´humanité était toujours plus partagée entre la catégorie dite talentueuse de la classe moyenne, blanche,  et celle des masses indigentes, condamnées à l´infériorité et à la soumission à cause de ses supposées déficiences génétiques. Ceux qui se sentaient destinés à la supériorité, à commander l´humanité,  en appelaient  aux différences raciales  pour expliquer l´inégalité sociale, politique et économique et pour justifier leur domination.

Dans les républiques latino-américaines, les idéologues et les représentants de la classe dirigeante, blanche dans sa majorité, (ou se jugeant comme tels) s´inspirant des révolutions qui avaient transformé l´Europe et les Etats-Unis  pensèrent que le progrès de leur pays dépendait de la  “blancheur”  progressive du peuple par les mariages inter-raciaux , ou d´un véritable    repeuplement par des Blancs importés d´Europe.

Malgré tout, pratiquement le contraste entre le progrès comme aspiration universelle et le caractère partiel de son avancée concrète s´accentuait   davantage. Seuls quelques pays en dehors des milieux avancés européens ou nord-américains, semblaient se transformer, à des rythmes différents, en économie industrielle capitaliste, en états libéraux constitutionnels, en sociétés bourgeoises et démocrates.

Mais encore dans les pays avancés du XIXe et du XXe,  la démocratie a subi de pérversions. Cela est claire dans la pensé de Jacques Maritain, dans son ouvrage ‘L´Homme et l´Etat’  quand il fait distinction entre Nation et État . Dit Maritain : « Le désordre a commencé sur la scène démocratique durant le XIXe siècle, pour devenir folie totale dans la réaction antidémocratique du siècle présent. Deracinée de son ordre essentielle et par suite, perdant ses limites naturelles au cours d´une croissance contre nature, la Nation est devenue une divinité terrestre dont l´égoisme absolu est sacré, et elle s´est servie du pouvoir politique pour bouleverser tout ordre stable parmi les peuples. L´État, une fois identifié avec la Nation, ou même avec la Race, et une fois que la fièvre des instincts de la terre a ainsi envahi son sang – l´ètat a vu s´exasperer sa volonté de puissance : il a preténdu imposer par la force de la loi le soi-disant type et soi-disant génie de la Nation, devenant ainsi un État culturel, idéologique, césaro-papiste, totalitaire ».[5]

Un appui consistant dans l´accélération et l´extension de ce processus de        démocratisation et de liberté politique  a été une autre  marque historique après    la Révolution de 1789 : la Déclaration universelle des Droits de l´Homme en 1948. Signée par toutes les nations démocratiques et inscrites dans les clauses intouchables des Constitutions de tous ces Etats, les principes de cette Déclaration cherchent à promouvoir et à garantir les idéaux de l´humanité qui renforcent la dignité de la personne humaine. Tous ses Droits sont essentiellement substantivés dans l´article premier : « tous les êtres humains  naissent libres et égaux  en dignité et droits. Ils sont doués de raison et de conscience et   doivent agir les uns envers les autres en esprit de fraternité ». Dans cet article nous retrouvons les idéaux et les propositions que la révolution du  Christianisme a apportés à notre humanité : liberté, égalité, fraternité. La personne humaine  est devenue la référence fondamentale et centrale de l´ordre juridique ; elle est inviolable.

Ainsi, l´extension  du processus de démocratisation de par le monde  a été considéré comme le phénomène  le  plus  marquant du XXème siècle. En l´an 2000, étaient enregistrées 120 démocraties électorales, soit 62,5% de la population mondiale. Ce fut une conquête quantitative, en extension.

Pourtant, aujourd´hui, on cherche davantage à focaliser les contenus qualitatifs des démocraties à l´intérieur du concept de « démocratie de qualité » où la pratique du suffrage universel, des élections libres, compétitives, périodiques et correctes du système politique pluripartite et de la liberté d´information, – ne sont plus suffisantes. On cherche une implantation de la promotion pratique de la justice sociale, du développement durable, de la responsabilité sociale, du recentrement dans la dignité humaine, comme  des points de conscience  ainsi que de la pratique politique, sociale, culturelle et économique.

Pour  Norberto Bobbio, l´histoire de l´éthique moderne, qui à commencer  par la théorie  du droit naturel, est une série de tentatives de fonder une éthique objective, soit rationnelle soit empirique  ou les deux simultanément,  laïque finalement.[6] Mais il s´agit de savoir dans quelle mesure ces tentatives ont réussi. C´est un débat séculaire, où « aucune des théories ordinaires de la  morale laïque n´échappe à la critique. Il semble ainsi que toute tentative de donner un fondement rationnel aux principes moraux est voué à l´échec. Les athées sont dangereux pour la stabilité des républiques parce qu´ils ne craignent pas le châtiment de Dieu et ne craignant pas le châtiment divin, ils sont moins disposés à observer les lois morales qui imposent des sacrifices, limitent  la sphère des  désirs, incommodent ceux qui opposent le devoir au plaisir ». Un des thèmes à relever se trouve dans l´accomplissement des lois morales. La raison ne suffit pas pour qu´une règle soit observée  et c´est encore Bobbio qui dit : “Peut-on  présumer  que dans une société sécularisée, les lois  soient moins observées que dans une société religieuse et qu´il existe une moralité moyenne moins diffusée ?  L´important c´est d´éviter que cette voie ne mène au fanatisme, c´est-à-dire à l´anti-tolérance, ou alors que l´on accepte une croyance religieuse pour des raisons pragmatiques de conquête et maintien totalitaire du pouvoir ».

Ribeiro Neto affirme: « Dans une position fondamentaliste, la personne, percevant l´inadéquation de la façon d´être de la culture moderne à sa structure humaine, et n´ayant pas de mécanismes rationaux pour se situer, tend à  adopter des positions de plus en plus intransigeantes et agressives. Ce   fondamentalisme peut constituer une menace réelle pour l´ensemble de la  société et, dans quelques cas, allant jusqu´à menacer la pleine réalisation de la personne. Enfin, il reflète ce sentiment d´inadéquation de la manière d´être   dominante dans un monde globalisé et  la difficulté que la société rencontre pour répondre aux aspirations de ces groupes ”.[7]                                                                                                                  

Aujourd´hui, on cherche un changement éthique pour une vision humaniste du monde. L´usage exclusif de la raison n´est déjà plus considéré comme suffisant. Parallèlement à la prévalence des forces du mal: violence, guerres, tortures, course à l´armement, etc, il existe un côté clair des zones de lumière,  de triomphe des forces du bien, comme l´abolition de l´esclavage, la  suppression de la torture et des supplices en de nombreux pays,  et de la peine de mort en d´autres (la Mongolie vient d´abolir la peine de mort), l´émancipation de la femme, et la plus grande conquête d´une société :  l´instauration du régime démocratique.

Le théologien jésuite Paul Valadier  considère  que , dans la réflexion actuelle, le discrédit envers les idéologies, que ce soit  celle du progrès ou celle du marxisme-léninisme, détruit les prétentions d´une Raison,  maîtresse de la Nature et de l´Histoire, mais ce résultat qui a produit toutes sortes de confusions sociales, politiques et intellectuelles que l´on peut qualifier de “nihilistes” selon  Nietzsche, ne semble pas conduire à une réévaluation de l´instance religieuse, comme telle, mais bien au contraire à évaluer par les phénomènes préoccupants  du fanatisme, conduire à un autoritarisme centralisateur de l´Eglise catholique, non   seulement pour les questions de la foi, mais aussi de la morale.[8]                   

On ne peut pas mettre en doute que dès la fin de la décennie 1980, une ère a pris  fin et une ère nouvelle a débuté. D´un côté, la globalisation a amené sans aucun doute, de nouvelles espérances pour le monde. Quelques-uns de ces grands bénéfices pour  l´humanité entière, doivent être évoqués. N´y aurait-il pas, parmi eux, le développement explosif des télécommunications, la croissance phénoménale des relations commerciales et financières qui ont permis d´ abaisser les coûts de la télécommunication et des nouvelles technologies, l´extraordinaire rapidité de mouvement des personnes et des marchandises, l´internationalisation de l´université et de ses réussites ? L´humanité est beaucoup plus cultivée  aujourd´hui qu´il n´y a quelques décennies  en arrière. Peut-être pour la première fois  dans l´histoire , la plupart des êtres humains peuvent être  qualifiés d´alphabétisés et « l´éducation pour tous » s´approche de tous les enfants du monde. A l´échelle mondiale, on vérifie qu´il y a un réveil et une  relative avancée des consciences vers l´égalité des chances, pour la liberté religieuse, liberté d´expression, de pensée et  ceci à cause de la nécessité de préserver notre planète Terre et pour la reconnaissance de la valeur de la dignité humaine.

Mais d´un autre côté, on ne peut nier que  la mondialisation a élargi la domination sous des formes nouvelles par l´intermédiaire de nouvelles techniques, des réseaux de communication, des règles de la concurrence   et    des pratiques financières, et a entrainée une  perturbation des mentalités, dans la manière d´être et dans le mode de vie. Le monde a cessé d´être eurocentrique; de nouvelles puissances émergent en dehors de l´Europe. Cette situation difficulte l´essor de la démocratie a par le monde.

Le grand défi d´aujourd´hui est comment administrer une humanité qui a atteint en quelques décennies le nombre de presque sept milliards d´habitants. Le nouveau millénaire s´ouvre sous le signe de la violence dans ses multiples formes : économique, social, politique, culturel.          La  globalisation a apporté, avec elle des préoccupations et des risques avec les  nouvelles relations économiques et les nouveaux comportements sociaux. On remarque une tendance d´augmentation des inégalités entre les pays industrialisés et les pays pauvres, et même à l´intérieur d´un même pays.  Le chômage atteint cruellement les plus jeunes. Stimulée par la misère des campagnes, la migration vers les villes voit une explosion de bidonvilles et d´habitations irrégulières où vivent actuellement près d´un milliard de personnes. Le grand appauvrissement des pays périphériques conduit à l´émigration internationale, dirigée vers les  économies les plus fortes. Cette situation de nouveaux défis inconnus jusque- là, crée un fort défi à la manutention de l´Etat de Droit, démocratique, libéral et de respect aux Droits et à la dignité humaine dans ces riches pays  d´accueil.                    

Dans la “Déclaration du Millénaire des Nations Unies”, les 191 Nations   présentes à l´Assemblée Générale de l´ONU de l´an 2000 déclarèrent  à l´unanimité : “Nous croyons que le défi central que nous affrontons aujourd´hui est d´assurer que  la globalisation devienne une force positive pour tous les peuples du monde” et encore  que “seulement à travers de vastes efforts  soutenus par la création d´un futur partagé, basé sur notre communauté humanitaire dans toute sa diversité, la  globalisation pourra alors devenir complètement inclusive et juste”.

Devant ces nouveaux défis s´élèvent des mouvements et des comportements de discrédit du système démocratique, des libertés acquises, de la recherche d´un « vivre-ensemble » harmonieux de l´humanité. La vengeance, la violence ou la haine semblent  présider aux actions,  en lieu et place de la fraternité, cet autre principe de la Révolution Française.   Le terrorisme ne serait-il pas le nouveau phénomène qui cherche à affronter, par la  violence barbare, la domination des économies dominantes,  et aussi d´attenter contre l´Etat de Droit démocratique, impuissant, devant  cette nouvelle onde de violence, démande Paul Valadier ?  La démocratie ne serait-elle pas considérée par certains groupes de terroristes, contradictoirement, comme une forme de domination ?

D´un autre côté, ne vaudrait-il pas la peine de se demander si la nouvelle et fragile  démocratie de l´Amérique latine,  ne serait pas, en ce début du troisième millénaire, en train d´être contestée  sous la forme d´une hégémonie totalitaire, revêtant l´apparence de  la démocratie ?

Le vote électoral et les normes constitutionnelles  seuls ne suffisent plus. La dissimulation du mal agirait dans ces pays sous l´apparence du bien.  Au  Brésil, par exemple, caché sous la devise indiscutable, inviolable et inquestionnable des Droits de l´Homme et de la démocratie (le Bien), ne tente-t-on pas d´établir un système autoritaire, centralisateur où l´équilibre des trois pouvoirs, Exécutif, Législatif et Judiciaire, propre à la démocratie, pencherait fortement en faveur du premier ? L´établissement d´un régime populiste et autoritaire se dissimule sous une apparence de « démocratie  directe » à  travers la diffusion d´assembléismes et d´actions plébiscitaires qui sont pratiquement des actions contrôlées ou orientées. Dans les pays comme le Vénézuela, l´Equateur, la Bolivie, la Constitution (caractéristique de la démocratie) est changée ouvertement  pour introniser au pouvoir central, un président et un présidentialisme autoritaire et pour un temps indéterminé. Hugo Chavez du Vénézuela, en commémorant ses onze ans de pouvoir  en ce mois de février, a garanti qu´il y resterait pour au moins onze ans encore…

Le silence ou les limitations de la presse et le contrôle du Parlement augmentent dans ces pays. La manifestation publique de l´opinion de chacun présuppose la possibilité pour les autres de pouvoir s´exprimer en s´opposant. Un régime de liberté politique  n´est pas seulement formé par l´équilibre des trois pouvoirs classiques – condition de la vitalité effective de la démocratie ; il implique aussi l´existence d´une presse diversifiée et suffisamment libre et plurielle pour exprimer la diversité des opinions.

La majorité des Etats d´aujourd´hui ont solennellement approuvé la Charte de l´ONU de 1948 et ont promis de la respecter. Avec cette approbation, les Etats ont signé un ensemble très complet de valeurs morales comme : la liberté d´expression, de religion, le droit à la libre circulation de tous, le droit à la santé, à l´éducation, au travail. Nous savons tous que cette unanimité cache des hypocrisies. Que les rêves ne correspondent pas à la réalité.

Claude Morin, à 88 ans a abandonné le terme « révolution » – qui implique violence et mort – et proclame aujourd´hui  la nécessité de l´apparition d´un système de fraternité, résultant du fait que « nous sommes perdus et nous avons mutuellement  besoin les uns des autres ».[9] Pour Morin, l´idée de solidarité va certainement prévaloir dans l´avenir de l´humanité. Non plus l´individualisme qui est l´envers de la solidarité.

Nous devons  nous interroger, comme le théologien Valadier: dans les changements de position de la religion, particulièrement dans sa version chrétienne-catholique chargée du message de fraternité, ne rencontrerions-nous pas un moyen de parvenir à de nouvelles chances, à un monde nouveau  telle l´aurore annonçant un jour nouveau?

Je conclue avec les propositions fort actuelles de Jacques Maritain, dans ce livre,  L´Homme et l´État. « L´Etat n´est pas supreme incarnation de l´Idée, comme le croyait Hegel.  L´Etat n´est pas une espèce de surhomme collectif ; l´État n´est qu´un organe habilité à employer le pouvoir et la coercition, et composé d´experts ou de spécialistes de l´ordre et du bien-être publics – un instrument au service de l´homme. Mettre l´ homme au service de cet instrument est une perversion politique. La personne humaine en tant qu´individu est pour le corps politique,    et le corps politique est pour la personne humaine en tant  que personne. Mais l´homme n´est a aucun titre por l´Etat.    L´État est pour l ´homme ».[10]

 


[1]  MARITAIN, Jacques. Le crépuscule de la civilisation. In: MRIATAIN,J.- MARITAIN,R.  Oeuvres complètes .Vol.VII. Fribourg. Editions Universitaires. 1988, p. 729 e 735.

[2]   Hobsbawn, Eric. A era dos Impérios. 1875-1914.  13ª ed. São Paulo, Paz e Terra, 2009,p. 141

[3]  HOBSBAWN,E op. cit. pp. 333 e segs

[4]  Albert EINSTEIN. Escritos da Maturidade. RJ, Nova Fronteira, 1964, p. 161,162 e 227.

[5] MARITAIN, Jacques. L`Homme et lÉtat, p. 488-489. Ouv. Cit.

[6] BOBBIO, Norberto. Elogio da serenidade e outros escritos morais. SP, Ed. UNESP, 2000, pp 165 e seguintes.

[7] RIBEIRO NETO, Francisco Borba. Pressupostos político-culturais para a compreensão do Acordo entre o Brasil e a Santa Sé. Lumen, Revista de Estudos e Comunicação, São Paulo: IESP/UNIFAI, 15 (36): 89-98. 2009.

[8] VALADIER ,Paul. Um cristianismo de futuro. Para uma nova aliança entre razão e fé. Trad. Lisboa, Instituto Piaget, 2000.

[9]  Em seu livro O Mundo Moderno e a Questão Judaica.

[10] MARITAIN,J. L´Homme et l´État, ouv. Cit. p. 495.